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Romains n’avaient pas d’autre doctrine qu’un épicuréisme grossier ; et César, qui les protégeait, et qui voyait en eux le séminaire d’une tyrannie future, se servit de ces mêmes opinions pour défendre dans le Sénat romain la conjuration et ses chefs ; il déclara que tout finissait à la mort, que l’âme et le corps s’anéantissaient à la fois, et qu’il n’y avait au delà du tombeau ni joie ni douleur. Caton, défenseur de la liberté et des anciennes mœurs, repoussa l’opinion de César, sans lui opposer aucune tradition religieuse. N’est-il pas visible, par ce mémorable exemple, que le polythéisme avait dès lors perdu toute autorité sur les esprits éclairés, et que cette incrédulité, qui dans quelques hommes vertueux se bornait au mépris des superstitions populaires, allait dans les autres jusqu’à l’extinction de tout sentiment moral et religieux ?

Le grand orateur qui combattit avec tant de force l’indulgence intéressée de César pour les mauvais citoyens, et qui repoussa cette morale de crime et d’impunité, en invoquant sur les traîtres la vengeance des dieux et des lois, Cicéron, s’exprime comme César dans une occasion non moins publique, dans une cause plaidée devant les magistrats du peuple, la défense du jeune Clémentius ; il traite de fable et d’ineptie la croyance que l’on puisse souffrir dans un autre monde ; il voit dans la mort l’anéantissement de toute sensation, et allègue à cet égard l’opinion universelle.

On nous objectera une foule d’autres passages où Cicéron reconnaît et espère un avenir éternel. Flottant et indécis entre les philosophies diverses, ce beau génie acceptait toutes les idées qu’il pouvait orner de son éloquence ; et sans doute celui de tous les systèmes qui convient le plus à l’imagination comme à la vertu avait droit de le séduire. Comment Cicéron n’aurait-il pas aimé la croyance qui lui inspira ce songe de Scipion, où l’immortalité de l’âme se confond si naturellement avec celle de la gloire ? Mais nous avons voulu seulement indiquer par un exemple que le spiritualisme n’était à ses yeux qu’une belle conjecture qu’il n’appuyait sur aucune tradition religieuse, et qui de son temps était généralement regardée