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romain à la Grèce oisive et subjuguée prirent un plus dangereux caractère en venant se mêler au vice et à la puissance de Rome. Sans doute les passions de quelques hommes s’accommodent tout aussi bien, pour faire le mal, d’une croyance que d’une impiété. Le sauvage et illettré Marius, ce pâtre d’Arpinum, instruit dans son enfance à quelques vertus grossières, ne connaissait guère le poëme de Lucrèce, et n’avait pas besoin d’être matérialiste, pour être cruel et sans pitié. Sylla, savant et poli, croyait aux songes, et dans le péril d’une bataille, adorait une petite divinité dont il portait sur lui l’image ; il n’en fut pas moins plus féroce et plus implacable que Marius lui-même.

Il semble cependant que la philosophie d’Épicure, spéculation oisive de la Grèce, une fois accueillie par l’activité malfaisante des Romains, s’envenima de tous les vices des oppresseurs du monde. Dans les écoles d’Athènes ou de Corinthe, un philosophe épicurien, un cynique, un péripatéticien, discutait ingénieusement sur le vice, sur la vertu, sur l’âme, sur les dieux. Tout cela n’était qu’un jeu de l’esprit grec. Mais à Rome, ces patriciens si riches, effrénés dans leurs voluptés comme dans leur pouvoir, en trouvant la doctrine d’Épicure parmi les arts de la Grèce qu’ils appelaient à eux comme un plaisir, tirèrent de leurs sciences nouvelles un raffinement de corruption, de luxe et de cruauté. Le scepticisme d’un philosophe grec sur l’existence des dieux, sur la réalité de la justice, fut mis plusieurs fois en pratique par un proconsul de Rome inique et spoliateur, dont l’impiété lucrative pillait les temples de Grèce ou d’Asie.

Cette doctrine était au profit des ambitieux qui voulaient opprimer leurs concitoyens ; car elle inspirait la mollesse et l’indifférence, le dégoût des périls publics et des vertus qui maintiennent la liberté d’un peuple. Ces jeunes patriciens efféminés et sanguinaires, ces satellites de Catilina qui vivaient dans toute la pratique des infamies et de tous les crimes, et que les historiens nous représentent comme une bande de malfaiteurs autorisés dans Rome, ces impurs héritiers dès plus illustres