Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

patriotisme de Rome, parce qu’il en avait été contemporain[1].

Ainsi, la franchise et les saillies du philosophe étaient réprimées par la prudence de l’homme d’état : précaution vaine et faible, quand elle n’est pas sincère. Les ouvrages de Cicéron n’en sont pas moins la preuve du discrédit profond où était tombé le polythéisme parmi les esprits éclairés : vainement Cicéron, par une contradiction plus commune qu’on le croit, reproche à la jeune noblesse de Rome d’abandonner le soin des auspices, de ne plus remplir les fonctions augurales ; elle lisait le Traité de la divination, et des plaisanteries de Cicéron discréditaient ses conseils.

On ne peut douter que cette même époque de froideur et de scepticisme n’ait vu tenter quelque effort pour réformer le culte païen, et le rendre plus satisfaisant pour la raison. Je n’en voudrais d’autre preuve que l’ouvrage de Varron sur les antiquités romaines. Il est visible, par les extraits de saint Augustin, que Varron ne se bornait pas à retrouver d’anciennes traditions locales, et qu’il les ramenait à un point de vue philosophique, peu favorable aux superstitions populaires.

L’ouvrage était partagé en quatre livres : ceux qui touchaient à la religion étaient placés les derniers ; par la raison, disait l’auteur, que les états se constituent avant de se donner une religion. Il divisait la théologie, ou connaissance des dieux, en trois espèces différentes, qu’il appelait mythologique, naturelle et civile. « La première, disait-il, renferme beaucoup de fables contraires à la majesté et à la nature d’êtres immortels ; par exemple, qu’ils soient nés de la cuisse ou de la tête d’un dieu, qu’ils aient commis des vols, des adultères. » La seconde se composait des systèmes de la philosophie sur l’essence des dieux. Enfin, la théologie civile se bornait à la connaissance des dieux reconnus par le culte public, et aux devoirs

  1. Ainsi le génie ni la puissance ne pouvaient rien pour l’humanité. Il fallait, ainsi que Platon l’avait pressenti, un homme qui se dévouât à la croix pour vaincre l’opposition de l’univers.