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des citoyens et des prêtres pour la célébration des sacrifices. « La première de ces théologies, disait Varron, est faite pour le théâtre, la seconde pour le monde, la troisième pour Rome. » Il paraît que Varron, dans cet ouvrage, expliquait déjà, par des allégories, les plus grandes absurdités du polythéisme, et qu’il les réduisait à des observances légales dont la politique devait diriger l’usage.

Tel avait été le génie de Rome, au temps même où ses mœurs étaient les plus simples et les plus pures, d’asservir la religion à la politique. Mais l’illusion était alors partagée par les plus grands hommes de la république, et de là se communiquait à la foule des citoyens. À l’époque, au contraire, où le mépris d’une croyance absurde vint plutôt des vices que des lumières, le polythéisme cessa tout à coup d’être un instrument pour la politique et un frein pour le crime. Catilina, meurtrier d’un proscrit, souilla de ses mains sanglantes la fontaine lustrale d’Apollon ; César, méprisant l’anathème que la politique du Sénat avait inscrit sur le chemin d’Ariminium, et franchissant à la tête de ses soldats cette borne militaire qui n’était plus protégée par une religieuse croyance, pénétra sans obstacle jusqu’à la ville sacrée, brisa les portes du temple de Saturne comme il aurait forcé une citadelle ennemie, et enleva le trésor de la république, inutilement placé sous la garde du plus ancien des dieux. Phénomène remarquable, et qui prouve qu’il y a quelque chose de salutaire dans un culte quelconque ! l’homme devint d’abord plus méchant et plus vicieux, en cessant de croire une religion qui semblait permettre tous les vices.

De cette profonde dépravation de mœurs, de cette insouciance pour les anciennes divinités d’un peuple libre, de cette philosophie sceptique et de cette sensualité brutale qui restèrent seules après tant de vertus immolées, sortirent l’esclavage de Rome et le règne d’Octave. Auguste, dans sa jeunesse, avait mêlé quelquefois à la licence de ses mœurs la dérision du culte des dieux. Suétone nous a conservé le souvenir d’un repas de débauche où des femmes romaines, et quelques con-