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le respect de la foi conjugale, la piété pour les dieux[1].

Les heureux génies, les grands poëtes que le sort avait placés sous son règne, servirent cette pensée du maître qui les protégeait. L’épicurien Horace chanta les dieux qu’il ne croyait pas, pour plaire à l’indigne protecteur de leurs autels. Ces poésies charmantes, ces adulations ingénieuses, qu’il jetait comme un voile sur le souvenir éloigné des crimes d’Octave, associaient souvent la gloire du prince et celle des dieux. Mêlant les allusions d’une poétique reconnaissance à cette facilité de mensonge que donnait le polythéisme, il faisait entrevoir dans Auguste, pacificateur, quelque divinité bienfaisante, et le saluait du nom de Mercure ou d’Apollon, sans crainte de rappeler l’usurpation licencieuse qu’Octave avait faite des attributs de cette dernière divinité.

Comme les prêtres du polythéisme n’écrivaient point, comme ils n’opposaient aucun ouvrage aux différents systèmes de philosophie qui ruinaient le culte public, on est réduit à chercher dans les poëtes la croyance religieuse de l’antiquité. Les poëtes du siècle d’Auguste nous montrent, à cet égard, le changement qui s’était opéré dans les esprits. La mythologie, qui faisait la partie principale et presque historique des chants d’Hésiode et d’Homère, est devenue, dans Virgile, un ornement ingénieux, dont l’usage, réglé par le goût, sert à flatter l’imagination, sans inspirer ni respect, ni croyance. Cicéron s’était plaint qu’Homère eût transporté aux dieux les passions humaines ; Virgile n’a pas corrigé cette faute, mais il a, pour ainsi dire, poli et perfectionné les passions qu’il laissait à ses dieux ; il a retranché de leur histoire les inconcevables aventures dont s’amusait la poétique crédulité d’Homère ; il a rectifié ces vieux mensonges transmis par la Grèce, sur le modèle que lui donnaient les idées plus justes et les mœurs plus élégantes d’une civilisation avancée.

Mais Virgile explique la nature par une sorte de panthéisme

  1. On voit combien la séparation du pouvoir spirituel et temporel apportée par le Christianisme a été utile à la liberté du monde.