Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et, dans l’un et l’autre, un vainqueur naturellement généreux, fut l’instrument de la plus barbare destruction.

Chose remarquable ! la ruine de Jérusalem semblait la victoire du polythéisme sur le culte d’un seul Dieu. Un nombre prodigieux d’habitants périt. Le temple fut consumé par les flammes. Titus, de retour à Rome, fit porter devant lui, dans son triomphe, les vases sacrés, le voile du sanctuaire et le livre de la loi. Il n’y eut plus de peuple juif ; et ses cendres furent, pour ainsi dire, jetées au vent dans tout l’univers.

Cependant, ces amas de ruines n’étouffèrent pas la nouvelle croyance qui sortait de la Judée ; au contraire, elle vit dans cette extermination une preuve de la vérité ; et Rome, après avoir détruit une nation cantonnée dans un coin de l’Asie, eut une religion cosmopolite à combattre.

Infatué de mille rêveries bizarres, le monde romain, par ses vices et par ses lumières, par l’affaiblissement de tous les cultes et l’invasion des idées orientales, par la communication plus facile des peuples, et le contraste ou la confusion de leurs croyances, s’agitait de toutes parts, et mûrissait pour un grand changement. Les hommes n’y suffisaient pas. Ils commentaient d’anciennes fables, au lieu d’y croire ; ils vieillissaient le paganisme pour le rajeunir ; mais ils ne faisaient qu’ajouter au chaos des opinions, sans trouver une croyance qui pût ranimer l’esprit de l’homme, et lier les nations entr’elles.

Le Christianisme seul eut cette puissance ; il profita de l’ordre et de la paix établies dans l’empire pour se répandre avec une incroyable rapidité. Il marcha, pour ainsi dire, à grandes journées sur ces vastes chemins que la politique romaine avait ouverts d’un bout de l’empire à l’autre pour le passage des légions. Il s’empara de toutes les dispositions que la haine du joug romain laissait dans le cœur des peuples asservis. Il releva, par l’enthousiasme, des âmes abattues par l’oppression. Parlant au nom de l’humanité, de la justice, de l’égalité primitive entre les hommes, il devait avoir bientôt pour lui tout ce qui était esclave ou sujet, c’est-à-dire l’univers.