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Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/349

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Thasso révère Théagène, qui pourtant se souilla d’un meurtre aux jeux olympiques. Samos honore Lysandre, malgré ses meurtres et ses forfaits ; Hésiode et Alcman déifient Médée ; les Céliciens, Niolée ; les Siliciens, Philippe, fils de Butacide ; les habitants d’Amathonte, Onésilas ; les Carthaginois, Amilcar. Mais que dis-je ? un jour entier ne pourrait me suffire pour nommer tous ces dieux. Puisque nos ennemis ne s’accordent point eux-mêmes sur leurs divinités, pourquoi nous faire un crime de ne point partager leurs croyances religieuses ? Écoutez encore ce qui se pratique en Égypte : n’est-ce pas le comble du ridicule ? Dans leurs temples, où la foule se presse, les Égyptiens se frappent la poitrine parce que leur dieu est mort, et à ce mort ils offrent des sacrifices comme à un dieu. Mais pourquoi s’en étonner, quand on sait qu’ils élèvent les animaux au rang de la Divinité, et qu’à leur mort ils se rasent la tête ; quand on sait qu’ils les ensevelissent dans des temples, et prescrivent des deuils publics ? Si donc nous sommes impies, parce que nous n’adorons pas vos dieux, toutes les cités, toutes les nations sont impies, car il n’en est aucune qui adore les mêmes divinités.

XV. Mais quand tous les peuples adoreraient les mêmes dieux, quoi donc ? Parce que la plupart confondent Dieu avec la matière, ne savent point distinguer l’intervalle qui les sépare, adressent des prières à de vains simulacres, nous qui savons discerner et séparer ce qui est incréé et ce qui est créé, ce qui est et ce qui n’est point, ce qui se conçoit par l’esprit ou se conçoit par le sens, et donner à chaque chose le nom qui lui convient, irons-nous aussi adorer d’absurdes simulacres ? Certes nous en convenons, si Dieu et la matière ne sont qu’une seule et même chose, désignée sous deux noms différents, il est évident que nous sommes des impies, de ne point adorer la pierre, le bois, l’or et l’argent ; mais si, au contraire, il se trouve entre l’un et l’autre une aussi prodigieuse différence que celle qui existe entre l’ouvrier et la matière placée sous sa main, pourquoi nous faire un crime de le reconnaître ?

Or, qui ne voit que la matière est à l’égard de Dieu ce que