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Dieu, et qu’ils ignorent entièrement toutes les choses naturelles et divines, mesurant la piété sur le nombre des victimes, et nous faisant un crime de ne pas reconnaître les dieux qu’adorent vos cités, examinez ici, grands princes, je vous prie, deux choses importantes : d’abord, pourquoi nous n’immolons pas de victimes. L’ouvrier et le Père de toutes choses n’a besoin ni de sang, ni de fumée, ni de fleurs, ni de parfums. N’est-il pas lui-même l’odeur la plus suave ? lui manque-t-il quelque chose au dedans ou au dehors ? Le reconnaître pour celui qui a étendu et arrondi les cieux au-dessus de nos têtes, affermi la terre comme centre du monde, rassemblé les eaux dans les mers, séparé la lumière des ténèbres ; qui a parsemé d’astres divers la voûte céleste, et fait sortir de la terre toutes les espèces de plantes ; qui a créé les animaux et formé l’homme à son image, n’est-ce pas lui offrir le sacrifice le plus agréable à ses yeux ?

Lors donc que nous reconnaissons Dieu comme le créateur souverain qui gouverne et conserve toutes choses par sa puissance et sa sagesse ; lorsque nous élevons vers lui des mains pures, qu’aurait-il besoin d’hécatombe ? « Ce ne sont, dit un poëte, ni les victimes, ni de touchantes prières ; ce ne sont ni les libations, ni la fumée des sacrifices, qui peuvent appaiser les dieux, si l’on a transgressé la loi, si l’on a péché. » Pourquoi présenter à Dieu des holocaustes dont il n’a pas besoin ? Il demande une victime non sanglante, il demande un culte éclairé et raisonnable.

XIV. Quant au reproche que nous font nos ennemis de ne point fréquenter leurs temples et de ne point adorer leur dieux, il est entièrement dénué de raison, puisque ceux-mêmes qui nous l’adressent ne s’accordent point entr’eux sur leurs divinités. Ainsi Athènes reconnaît pour Dieu Célénus et Métanire ; la Macédoine rend un culte à Ménélas, lui offre des sacrifices et lui consacre des jours de fêtes. Cependant les habitants d’Ilion n’entendent qu’avec horreur le nom de ce dernier, tandis qu’ils célèbrent la mémoire d’Hector. L’île de Scio rend des honneurs divins à Aristée, qu’elle regarde comme Jupiter ou Apollon ;