Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/385

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des bêtes qui les ont digérés, comment les en séparer, les en désunir ? Mais ils vont encore plus loin et fortifient l’objection de cette manière. Les animaux engraissés de chair humaine, ceux toutefois qui servent à la nourriture des hommes, descendent eux-mêmes dans nos viscères et s’identifient avec nous ; les cadavres humains qui ont été la pâture de ces bêtes passant ainsi dans d’autres corps humains, l’animal transmet l’aliment qu’il a reçu, puisqu’il devient lui-même notre nourriture. Et ici l’on ne manque pas de mettre sous les yeux les spectacles horribles de pères et de mères qui, poussés par la faim, ou par un accès de folie, ont dévoré leurs enfants, ou se sont nourris de leurs corps dans un festin apprêté par la perfidie de leurs ennemis. Ici sont rappelées les tables sanglantes des Mèdes, le repas tragique de Thyeste, et d’autres horreurs semblables qui sont arrivées chez les Grecs et chez les barbares. Après cela, on se croit en droit de conclure que la résurrection est impossible, parce qu’il ne peut se faire qu’un seul et même membre appartienne à deux corps tout à la fois ; car, dit-on, ou ce membre retourne à son premier possesseur, et dès lors il laisse un grand vide dans le second, ou bien il revient à celui-ci, et en ce cas le corps du premier reste mutilé et imparfait.

V. Ces objections viennent de ce que la plupart n’ont pas une idée assez juste de la puissance et de la sagesse du créateur et maître de toutes choses ; autrement il ne leur serait pas difficile de voir que la Providence a préparé pour chaque animal une nourriture convenable à sa nature et à son espèce ; que son intention n’est pas que toutes sortes de mets s’allient indifféremment avec toutes sortes de corps pour servir à leur développement ; que sa sagesse, après avoir fait le discernement de ce qui est nutritif, d’avec ce qui ne l’est pas, conserve à chaque aliment sa vertu et ses qualités naturelles, ou les lui ôte pour de bonnes raisons ; enfin que c’est elle qui dispose de tout à son gré, qui transporte d’un sujet à un autre ce que bon lui semble, avec des vues toujours infiniment supérieures aux nôtres. Outre cette réflexion, il en est une autre