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l’âme, sont-ils plus heureux quand il s’agit des dieux et du monde ? Les dirai-je esprits forts ou stupides ? Quoi ! ils ignorent ce que c’est que leur âme, et ils voudraient scruter l’essence divine ; leur propre corps est pour eux une énigme, et ils ne voient pas que c’est perdre sa peine que de chercher quelle est la nature du monde ! Si du moins ils s’accordaient sur les principes des choses !

J’entre dans l’école d’Anaxagore : une intelligence, me dit-il, est le principe de tout ce qui existe, elle a tout fait, elle gouverne tout ; elle a mis l’ordre dans le désordre, débrouillé ce qui était pêle-mêle, embelli ce qui était sans parure ; ce langage me rend son ami, et je suis de son école. Mais voici Parménide et Mélissus qui lui sont opposés : le premier, dans ses vers harmonieux, proclame que cet univers est un, éternel, infini, immobile et toujours semblable à lui-même, et me voilà tout à fait, je ne sais comment, du bord de Parménide ; il a banni Anaxagore de mes affections. Lorsque je crois mes idées bien arrêtées, Anaximène se présente et s’écrie d’une voix de tonnerre : Et moi, je vous dis que l’univers n’est autre chose que l’air ; épaissi et condensé, c’est de l’eau ; raréfié et dilaté, c’est l’éther et le feu ; rendu à son premier état, il devient air pur ; recommence-t-il à se condenser, il change de nouveau. J’embrasse cette opinion ; j’aime Anaximène.

IV. Tout à coup Empédocle se jette à la traverse comme un furieux, faisant des menaces, et criant à tue-tête du fond de l’Etna : la haine et l’amitié sont les principes de toutes choses : l’une les divise, l’autre les unit ; leur opposition produit tout, et je soutiens que toutes choses sont semblables et dissemblables, infinies et bornées, éternelles et créées.

Très-bien ! Empédocle, je te suis volontiers, jusqu’au fond de tes cratères brûlants. Mais Protagore m’arrête et m’entraîne en me disant : L’homme est le terme et la règle des choses ; j’appelle choses ce qui tombe sous les sens ; ce qui ne les affecte pas n’existe sous aucune forme dans la nature. Le discours de Protagore me séduit, je suis enchanté de voir que tout ou presque tout dans ce monde est soumis à l’homme.