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Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/510

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Mais voici Thalès qui m’arrive par un autre chemin, et me fait signe qu’il m’apporte la vérité : j’apprends de lui que l’eau est le principe de tout ; que tout est formé d’eau et se résout en eau ; que la terre elle-même flotte sur l’eau. Pourquoi ne me rendrais-je pas à l’autorité de Thalès ? N’est-ce pas le plus ancien philosophe de l’Ionie ? Cependant son compatriote, Anaximandre, me dit qu’avant l’eau il existe un mouvement éternel par qui tout naît ou finit ; comment n’être pas de l’avis d’Anaximandre ?

V. Mais Archelaüs, qui donne pour principe à l’univers le chaud et le froid, ne jouit-il pas d’une grande célébrité ? Néanmoins Platon, le beau parleur, ne pense pas comme lui ; il dit que les causes premières sont Dieu, la matière, et l’idée. Me voilà pleinement convaincu : peut-on n’être pas de l’avis d’un philosophe qui a construit le char de Jupiter ? Mais son disciple Aristote, un peu jaloux de la gloire du maître, se tient par derrière pour me dire que ce ne sont pas là les vrais principes des choses : les vrais principes sont l’actif ou l’agent, le passif ou le sujet ; l’agent c’est l’éther, rien ne le modifie ; le sujet reçoit quatre modifications, le sec, l’humide, le chaud et le froid ; c’est par le passage de l’une à l’autre, que tout naît ou se détruit. Mais je n’en puis plus, d’être ainsi ballotté par ce flux et reflux d’opinions ; c’en est fait, je m’en tiens à celle d’Aristote ; aucun autre désormais ne viendra me rompre la tête.

VI. Mais que faire ? Une foule de philosophes plus anciens fond sur moi : c’est Phéricide, qui m’apprend que les causes premières sont Jupiter, Tellus et Saturne ; que Jupiter est l’air, Tellus la terre, Saturne le temps ; que l’air produit, que la terre reçoit, et que c’est dans le temps que tout se passe. Mais je vois aussi de la mésintelligence entre ces vieux philosophes. Car Leucippe traite tout cela de rêverie, et pose pour premiers principes les infinis, les mobiles et les infiniment petits ; suivant lui, les parties les plus subtiles forment, en s’élevant, l’air et le feu ; mais les plus denses, restant dans les régions inférieures, deviennent de la terre. Jusques à quand ne recevrai-je que de pareils enseignements ? Ne connaîtrai-je jamais la vérité ?