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la vision intellectuelle d’un état futur de la nature, cet état futur ne serait-il pas toujours l’œuvre d’un autre, qui aurait placé en lui, dès le commencement, cette puissance de création ?

Qu’ils cessent donc d’attribuer la création à un autre Dieu que celui que nous adorons : c’est lui à qui il a suffi de vouloir, pour qu’une chose fût. Et d’ailleurs nous ne pouvons comprendre comment il eût été possible que l’œuvre de la création eût été produite par un autre que par celui qui en avait conçu la pensée ; mais nos adversaires mettent en avant une singulière distinction : Dieu, disent-ils, a voulu dans sa pensée que le monde fût éternel, ou qu’il n’eût qu’une durée limitée. Cette distinction n’est pas soutenable. En effet, si la pensée de Dieu avait voulu que le monde fût éternel, soit pour les choses invisibles et les choses visibles qui le composent, le monde eût été tel et conforme à la pensée de Dieu. Mais, au contraire, s’il est tel que nous le voyons, c’est une preuve que Dieu a voulu qu’il fût ainsi fait. Et puisque la puissance du Verbe a fait ce monde changeant et passager, cela nous prouve que le monde avait été ainsi conçu dans la prescience du Père. Or, s’il a été créé conforme en tout à la conception du Père, c’est une preuve que l’œuvre a été digne de lui et qu’il l’a en tout point approuvée. Mais venir dire ensuite que l’œuvre conçue dans la pensée de Dieu le père, et exécutée ensuite conformément à cette pensée divine, ne serait cependant en résultat que le produit de l’ignorance et de l’imperfection, c’est un énorme blasphème. À en croire ceux qui le prononcent, la pensée du Dieu souverain de toutes choses ne serait donc capable de produire que l’ignorance, l’erreur et l’imperfection ; car il faut que ce qu’il conçoit se fasse tel qu’il l’a conçu.