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Or, quand nous réfléchissons que les docètes tenaient pour principe que le corps de Jésus-Christ n’était qu’une apparence, il ne peut rester le moindre doute que le dogme des fidèles contre lequel ils s’étaient déclarés ne fût celui de la présence réelle du corps de notre Sauveur dans l’Eucharistie ; car il est évident qu’une présence figurative ou non substantielle, dans le sens des protestants, n’aurait nullement choqué leurs idées anti-corporelles. Au contraire, elle aurait été parfaitement conforme aux notions entièrement spirituelles de la venue de Jésus-Christ, qui avait engagé ces hérétiques à nier la possibilité de l’incarnation.

Cette preuve incontestable de l’existence d’une pareille croyance, parmi les orthodoxes du premier âge, fut pour moi, je l’avoue, le sujet d’un étonnement difficile à exprimer. Je trouvai en outre plusieurs endroits où le Père s’exprime de la même manière par rapport à l’Eucharistie, surtout dans son épître aux Philadelphiens et dans celle aux Romains.

S’il ne s’y fût rencontré que ces remarques, peut-être aurait-on pu douter de son sentiment précis sur le point en question, et interpréter autrement ces passages, comme cela est arrivé en bien d’autres cas, où les saints Pères se sont exprimés d’une manière obscure ou allégorique ; mais rapprochés de l’hérésie des docètes, comme je l’ai déjà observé, et représentant la croyance de ces hérétiques, touchant l’Eucharistie, comme entièrement opposée à celle des fidèles, ces passages n’admettent d’autre interprétation que celle-ci : que les fidèles d’alors voyaient dans le pain et le vin consacrés, non un simple souvenir ou une représentation, non un type, ni toute autre figure du corps de notre Seigneur, mais en réalité sa propre substance, présente corporellement et entrant dans la bouche même des fidèles.

Mais ce n’est pas tout, une nouvelle découverte vint bientôt après ajouter à ma surprise et à mon embarras ; car en parcourant le récit qu’on nous a laissé de la vie et du martyre de saint Ignace, j’y trouvai un autre argument, pour le moins aussi grand, en faveur du papisme.

Aucun lecteur de martyrologe n’ignore qu’Ignace fut em-