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jourd’hui ? Est-ce que Jupiter est trop vieux ; Junon, stérile ; Minerve aurait-elle blanchi sans devenir mère ? ou plutôt, toute cette génération de dieux n’a-t-elle pas fini dès qu’on a cessé de croire à toutes ces fables ? Au reste, si les dieux pouvaient s’engendrer les uns des autres, il n’y aurait pas de raison pour qu’ils finissent ; dès-lors nous aurions plus de dieux qu’il n’existe d’hommes ; l’air, le ciel ne pourrait pas plus les contenir que la terre les porter. Il est donc certain que tous ces dieux sont des hommes, puisque nous lisons leur naissance dans l’histoire, et que nous connaissons leur mort.

Doutez-vous que le peuple ne prie, n’adore publiquement leurs statues qu’il voit consacrées ? L’imagination de la multitude ignorante n’est-elle pas égarée par la beauté des formes qu’elles tiennent de l’art, éblouie par l’éclat de l’or, émerveillée par le brillant que leur prête la blancheur de l’argent et de l’ivoire ?

Si on voulait considérer comment se fabriquent tous ces simulacres, on rougirait d’avoir eu peur d’une matière habilement déguisée par l’ouvrier pour devenir un Dieu. Ce dieu de bois, reste peut-être d’un bûcher ou d’un gibet, est dressé, taillé, raboté, scié. Ce Dieu d’or ou d’argent, n’est souvent, comme celui que fit faire un certain roi d’Égypte, qu’un vase immonde qu’on forge, qu’on frappe à coups de marteaux, et qui reçoit sa figure sur une enclume. Pierre, il est taillé, sculpté, poli par un homme impur ; il ne sent ni l’injure de sa naissance, ni les honneurs qui lui viennent ensuite de votre piété. Mais peut-être que, bloc de pierre, ou morceau de bois, ou lingot d’argent, il ne peut encore faire un Dieu ; quand le devient-il ? Voilà qu’on le fond, qu’on le taille, qu’on le sculpte ; Attendez, ce n’est pas encore un Dieu ; on le soude, on l’élève, on le met en place ; est-il Dieu ? non pas encore ; mais on le pare, on le consacre, on le prie ; ah ! le voilà Dieu enfin, puisque l’homme le veut et en fait l’inauguration.

XXIV. Combien les animaux muets, par le seul instinct de la nature, sont plus justes appréciateurs de vos dieux ; je veux parler ici des rats, des hirondelles, des milans ; ils les savent