Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 4.djvu/329

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de l’air, suffit à peine à leur voracité. Inquiets, avides, insatiables, ils enveloppent le monde entier de leur volupté comme d’un réseau. Au bruit des viandes qui sifflent et bouillonnent sur les fourneaux enflammés, ils mêlent les cris d’une joie tumultueuse ; ils s’agitent, ils se pressent à l’entour, hommes voraces et omnivores, de qui la bouche semble être de feu. Le pain même, cet aliment simple et facile, n’est point à l’abri de leurs raffinements ; ils extrayent du froment les parties les plus nutritives, ils lui ôtent sa force et font ainsi eux-mêmes de cette indispensable nourriture l’opprobre de leur volupté. Leur gloutonnerie délicate n’a plus de bornes, ils la poursuivent sous toutes ses faces, ils l’excitent, ils la réveillent, quand elle se lasse, par mille sortes de friandises. On peut dire, il me semble, de pareils hommes, qu’ils sont tout bouche et tout mâchoire. « Ne désirez point les mets des riches, nous dit l’Écriture ; leur vie est honteuse et n’a rien de vrai. » Ces mets auxquels ils donnent tous leurs soins ne sont bientôt plus que fumier ; mais nous, qui cherchons le pain du ciel, il faut que nous commandions à notre ventre, à tout ce qui lui plaît et le flatte. « Les aliments sont pour l’estomac, et l’estomac pour les aliments ; et un jour Dieu détruira l’un et l’autre. » Car il a horreur de la gourmandise.

Les aliments sont le soutien de cette vie charnelle, qui est suivie de la mort ; mais il est des hommes qui, se servant d’un langage impie, osent donner le nom d’agape à des repas d’où s’exhale l’odeur de toutes sortes de viandes, déshonorant, par je ne sais quels ragoûts préparés exprès, ce noble et salutaire ouvrage du Verbe, et l’enveloppant misérablement dans le vin, les délices et la fumée. Ils se trompent, s’ils se flattent de pouvoir obtenir par ces repas impurs l’effet des promesses divines. Ces assemblées, qui n’ont d’autre cause et d’autre but que le plaisir, nous leur donnons avec justice les noms de dîner, de souper, de festins, mais le Seigneur ne les a point appelés agapes, c’est-à-dire charités. Aussi nous dit-il lui-même quelque part : « Quand vous serez conviés à des noces, ne prenez pas la première place, de peur qu’il ne se trouve parmi