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Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 4.djvu/490

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les trésors dont parle le Sauveur sont de deux espèces ; les unes bonnes, les autres mauvaises : les bonnes méritent notre amour ; les mauvaises, notre mépris. La pauvreté spirituelle est la seule qui soit appelée heureuse. « Heureux les pauvres ! » a dit saint Mathieu ; mais quels pauvres ? les « pauvres d’esprit, » a-t-il ajouté. Et pour mieux faire entendre sa pensée, « heureux ceux qui ont faim et soif de la justice de Dieu ! » Malheureux donc, au contraire, et bien malheureux, les pauvres qui, privés à la fois des biens célestes et terrestres, ne connaissent ni Dieu, ni sa justice !

Ainsi donc, la difficulté qu’éprouveront les riches pour entrer dans le royaume des cieux ne doit pas être comprise grossièrement, et à la lettre, mais dans un sens spirituel et mystique. Notre salut ne dépend pas, en effet, des choses qui sont hors de nous : il importe peu que nous en soyons privés ou que nous les possédions avec abondance ; qu’elles soient grandes ou petites, illustres ou obscures, approuvées ou désapprouvées ; il dépend des vertus de notre âme : la foi, l’espérance, la charité, l’amour du prochain, la vraie science, la douceur, la modération, la vérité. Il est leur ouvrage et leur récompense. Un homme vivra-t-il pour être beau ? Périra-t-il pour être laid ? Non ; mais quel que soit le corps qu’il habite, il vivra, s’il le conserve chaste ; il périra, s’il le corrompt. Son corps est le temple de Dieu. La vie et la mort ne sont ni dans la beauté ni dans la laideur de nos membres, elles sont dans l’âme, qui les fait mouvoir. « Si quelqu’un te frappe au visage, nous dit le Sauveur, souffre-le. » Un homme robuste et vigoureux peut obéir à ce commandement, un homme faible peut le transgresser par la violence de son esprit. Ainsi un pauvre qui manque de tout peut s’enivrer d’impurs désirs ; un riche, au contraire, peut leur résister, les vaincre, et, soumis à l’esprit de Dieu, mener une conduite pleine de modestie et de pureté. Si donc notre âme est la partie de notre être qui doit posséder la vie, et que la vertu la fasse vivre quand le vice la fait mourir, elle se sauvera, cela est évident, par la privation des voluptés que la richesse produit et enflamme ; elle périra par leur possession.