qui militent des deux côtés, nous sommes amenés à suspendre notre détermination. Des deux causes principales en vertu desquelles nous retardons l’acte de la détermination, l’instabilité de la pensée, engendre le dissentiment. Celui-ci est la cause immédiate qui suspend notre choix. De là vient que la vie est pleine de tribunaux, de délibérations, et de choix arrêtés entre ce que l’on appelle les biens et les maux : témoignages non équivoques d’un esprit incertain, et dont la faiblesse chancelle dans les choses qui se combattent et se repoussent. De là vient encore que les bibliothèques sont remplies de livres qui se contredisent. De là ces écoles, et ces discussions toutes retentissantes des clameurs de ceux qui professent des dogmes opposés et qui se persuadent qu’ils ont la vérité pour eux.
CHAPITRE VIII.
Il y a trois choses à considérer dans les mots : d’abord les noms qui représentent nos conceptions premières, et, par voie de conséquence, celles qui sont sous nos yeux ; en second lieu, les conceptions qui rappellent et reproduisent les objets qui sont sous nos yeux. C’est ce qui fait que les pensées sont les mêmes chez tous les hommes, parce que les objets présents leur impriment à toutes la même forme et le même type. Il n’en va point ainsi des noms, à cause de la diversité des langues. Troisièmement enfin, il faut faire attention aux choses présentes qui éveillent en nous les pensées. La grammaire ramène les noms à vingt-quatre éléments généraux[1]. Il faut, en effet, que les éléments soient limités et circonscrits, puisque les objets particuliers, à cause de leur infinité, échappent à la science. Le caractère de la science, c’est de s’appuyer sur des propositions
- ↑ Les vingt-quatre lettres.