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discours qu’il tint à Cécilius, alors engagé dans de vaines superstitions, et dont la force dans cette grave discussion le convertit au Christianisme.

Octave était venu à Rome pour traiter de ses affaires et pour me voir ; il avait laissé maison, femme, enfants. Ces derniers étaient dans cet âge d’innocence qui leur donne tant de grâce lorsqu’ils essayent de former des sons qu’ils ne rendent qu’à demi, parole si douce d’une langue novice qui bégaye et s’interrompt. Je ne pourrais dire quels furent les transports de ma joie lorsque je le vis arrivé ; elle était d’autant plus vive que j’étais loin de m’attendre au bonheur de voir cet ami si parfait.

Après deux jours donnés à l’assiduité des entretiens pour satisfaire les premiers besoins du cœur, et nous dire mutuellement mille choses qu’une absence réciproque nous laissait ignorer, nous convînmes d’aller à Ostie, séjour enchanteur, où j’espérais trouver à la faveur des bains de mer un moyen aussi sûr qu’agréable pour dissiper un certain fond d’humeur dont j’étais tourmenté. Les vacances avaient fait succéder au travail du barreau le plaisir des vendanges ; c’était le moment où l’automne, après les chaleurs brûlantes de l’été, nous offre sa douce température. Nous nous dirigions un matin, dès le point du jour, vers la mer, en suivant le rivage pour respirer cet air frais et pur qui rend au corps sa vigueur, et goûter le plaisir si doux qu’on trouve à fouler le sable qui cède mollement sous les pas. Cécilius était avec nous ; il apperçoit chemin faisant une statue de Sérapis, et aussitôt, selon l’usage du vulgaire superstitieux, il porte sa main à la bouche et la baise.

En vérité, mon cher Marcus, me dit Octave, ce n’est pas le fait d’un homme vertueux de laisser dans les ténèbres d’un vulgaire ignorant un ami qui ne vous quitte pas, et de souffrir qu’à la lumière de ce beau jour de la vérité il vienne se heurter contre des pierres, oui des pierres façonnées en statues, couvertes d’essences et couronnées de fleurs ; vous le savez bien, c’est sur vous autant que sur lui-même que rejaillit la honte d’un pareil aveuglement.