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Tout en discourant de la sorte, nous traversions la ville, et déjà nous étions en liberté sur le bord de la mer. De petites vagues qui venaient mourir doucement sur le sable semblaient l’applanir pour la promenade. La mer ne cesse pas d’être un peu agitée lors même que les vents se taisent ; elle ne poussait point alors vers ses bords des ondes blanches et écumeuses ; c’était plutôt des vagues doucement émues. Nous goûtions un plaisir extrême à voir leurs détours venir nous mouiller lorsque nous étions au bord de l’eau, que le flot tantôt se jouait à nos pieds, et que tantôt replié et revenant sur lui-même il allait se perdre au sein de la mer.

Nous avancions à pas tranquilles, trompant la longueur de la route par le charme des récits. Ces récits étaient des histoires d’Octave qui nous parlait de la navigation. Lorsque nous eûmes fait un assez long chemin, nous suivîmes les mêmes sinuosités de la rive en retournant sur nos pas. Arrivés à l’endroit où de petits navires, retirés à l’écart et élevés au-dessus de la vase, reposaient sur des poutres, nous vîmes de jeunes enfants, qui, pleins d’ardeur, faisaient à l’envi l’un de l’autre rouler des pierres sur la surface de la mer. Ce jeu consiste à choisir sur le rivage une de ces petites pierres applaties que polit le mouvement des flots ; on la dispose entre ses doigts du côté plat ; ensuite penché aussi bas qu’on le peut et presqu’à terre on la lance sur l’eau. Cette espèce de trait rase et effleure le dos de la mer, selon l’impulsion légère qui le fait glisser. Ou bien il fend les flots, vole à leur surface, plonge et ressort tant qu’un bond longtemps prolongé le soutient. L’enfant dont la pierre se porte plus loin et rebondit le plus de fois se proclame vainqueur.

Octave et moi nous nous amusions de ce spectacle. Cécilius n’y prêtait aucune attention et ne souriait point à cette lutte ; mais rêveur, chagrin, se tenant à l’écart, il faisait lire sur son visage je ne sais quelle douleur secrète. Qu’avez-vous ? lui dis-je ; je ne vous reconnais plus. Où est donc cette vivacité, cette gaîté qui brillait dans vos yeux, même au milieu des affaires les plus sérieuses ? Le reproche que vous a fait Octave,