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VIE DE SAINT CYPRIEN.

pecter ou le chérir davantage ? on aurait pu le mettre en question, s’il n’avait également mérité l’un et l’autre. Ses vêtements participaient à l’expression de son visage ; ils tenaient le milieu entre la recherche et la négligence. L’orgueil mondain ne l’avait pas enflé ; un dénuement affecté ne le dégrada point. Car la pauvreté vaniteuse, qui s’humilie sous des haillons, cache autant de jactance que les habits somptueux. Un demi-siècle plus tard, le grand évéque d’Hippone répétait, comme son devancier, que ses vêtements, par leur simplicité et leur modestie, devaient convenir à sa profession, à un corps cassé de vieillesse, et à ses cheveux blancs.

Que manquait-il encore à la gloire de Cyprien ? Les épreuves de l’adversité. Une brusque révolution porta sur le trône impérial Dèce, qui, animé d’une double haine, la haine de son prédécesseur et celle du Christianisme, auquel celui-ci avait été favorable, signala son apparition par des édits funèbres contre les disciples du Christ. C’est, suivant le témoignage de Sulpice-Sévère, la septième bataille que l’enfer et les passions déchaînées livrèrent à l’Église (249-250). Fabien fut une des premières victimes.

La persécution ne sévit pas seulement sur les bords du Tibre. Le nombre des martyrs fut incalculable. Babylas, évêque d’Antioche, Alexandre, évêque de Jérusalem, rougirent de leur sang les couronnes épiscopales. À Carthage, Cyprien eût cueilli les mêmes palmes, s’il n’eût pris conseil que de sa ferveur et de son zèle. À l’aspect de plusieurs Chrétiens qui, soutenus par ses encouragements, confessèrent le nom de Jésus-Christ et partirent sans regret pour l’exil, l’idolâtrie, qui n’avait point pardonné à Cyprien d’avoir abandonné ses faux dieux, redoubla de fureur. Sur la place publique, au théâtre, dans le cirque, partout retentirent des cris de mort : Cyprien aux lions ! Cyprien aux lions ! Le saint évêque, après avoir consulté Dieu sur la conduite qu’il avait à tenir, prit le parti de se dérober aux fureurs populaires,