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VIE DE SAINT CYPRIEN.

prien, profitèrent des dispositions de la multitude pour la soulever encore davantage. Ils admirent à la réconciliation et à la paix tous ces prévaricateurs, en les dispensant de la confession publique de leur apostasie, en supprimant les épreuves expiatoires, sans attendre même que le pasteur pût reparaître au milieu de son troupeau, et que la paix fût rendue à l’Église.

Cyprien dissimula quelque temps l’outrage fait à son épiscopat, dans l’espérance que sa modération et son silence ramèneraient les factieux à des idées plus sages. Comme le mal s’envenimait de jour en jour, il écrivit au clergé, au peuple et aux martyrs, des lettres pleines de vigueur, pour leur apprendre ou leur rappeler ce que l’Église attendait d’eux. Dans une de ces lettres, il menaçait les téméraires de les retrancher de sa communion ; il fut obligé plus tard d’en venir à cette dure extrémité. Ses paroles produisirent quelque impression sur le cœur de plusieurs de ceux qui avaient failli ; mais le plus grand nombre, encouragé par les manœuvres des prêtres séditieux et par quelques nouvelles indiscrétions des martyrs, se répandirent tumultueusement dans les rues, dans les cirques, dans les amphithéâtres, en demandant à grands cris la paix que leur avaient promise les martyrs. Ces violences se renouvelèrent dans plusieurs villes. Quelques évêques, vaincus par la peur, ratifièrent des promesses inconsidérées. Il n’en fut pas de même de Cyprien ; il opposa constamment à cette émeute d’un genre nouveau toute la fermeté d’un caractère qui comprenait l’énormité de l’offense, les droits de la majesté divine outragée, les statuts de l’Église, et disons-le aussi, les véritables intérêts des coupables. Il ne cessait de rappeler à son peuple, à son clergé, aux prévaricateurs, aux évêques étrangers qui le consultaient, qu’il ne voulait rien décider à lui seul dans une affaire qui demandait à être discutée en commun ; qu’il fallait attendre que la paix fût rendue à l’Église, afin d’examiner dans une assemblée générale la cause de chacun ; que, précipiter les remèdes quand les plaies sai-