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remis au lendemain, et le saint évêque transféré du prétoire à la maison de l’officier qui l’avait arrêté. Tout à coup le bruit se répandit dans Carthage que Cyprien avait comparu devant le tribunal, Cyprien, célèbre dans toute la ville par l’éclat de ses talents et surtout par ses derniers triomphes. Toute la ville se leva et courut à un spectacle que le dévouement de la foi rendait glorieux pour nous, et qui arrachait des larmes aux païens eux-mêmes. Arrivé au lieu de sa nouvelle captivité, on l’enferma ; mais l’officier qui le garda pendant la nuit, le traita avec beaucoup d’égards et de prévenance ; ses amis eurent la permission de rester auprès de lui ; nous partageâmes sa table comme de coutume. Cependant la multitude, craignant que les ténèbres ne lui dérobassent quelque événement, restait en observation devant la maison de l’officier. La divine Providence accorda à Cyprien une faveur qui lui était bien due, c’est que le troupeau fidèle veillât aussi de son côté pendant la passion de son pasteur. On demandera peut-être quel motif ramena la victime du prétoire à la maison de l’officier : quelques-uns l’attribuent à un caprice du proconsul. À Dieu ne plaise que, dans des événements réglés par la Providence, j’accuse les lenteurs ou les dédains de l’autorité ! Non ; ma bouche religieuse ne profèrera point ce blasphème ; ce n’était point aux passions de l’homme qu’il appartenait de prononcer sur la vie du bienheureux martyr dont Dieu conduisait toutes les démarches ; mais enfin ce lendemain, annoncé par la mystérieuse apparition, il y avait un an, devait être l’irrémissible lendemain.

16. Il a donc brillé le jour promis, le jour marqué par les décrets divins ; le jour qu’il ne serait pas au pouvoir du tyran de reculer, si son caprice le voulait ; jour de joie pour le saint évêque, jour qui resplendit sur tout l’univers sans ombre et sans nuage. Cyprien quitta la maison du chef des gardes : la multitude des fidèles qui se pressaient à ses côtés environnait comme d’un rempart le pontife de Jésus-Christ ; on eût dit une armée qui marchait à l’assaut pour abattre la mort. Pour arriver au lieu désigné, il fallut traverser le stade. Il devait doubler l’arène des combats le juste qui, après avoir fourni la carrière,