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victime ; tous ses jours s’écoulaient dans la pensée de la mort ; chacun d’eux était pour elle un nouveau martyre. Un grand nombre de Chrétiens, et des hommes distingués dans le monde par l’éclat du rang et de la naissance, au souvenir de leurs anciennes liaisons avec Cyprien, vinrent le trouver et lui conseillèrent de se cacher. Ils ne se bornèrent pas à de stériles exhortations, ils lui offrirent une retraite sûre ; mais le saint pontife avait attaché là-haut ses désirs ; il n’écoutait ni le monde, ni ses flatteuses insinuations. Peut-être néanmoins aurait-il cédé aux instances des fidèles et de ses nombreux amis, si le ciel l’avait ordonné. Son dévouement et sa gloire reçurent de cette circonstance un nouveau lustre. Pendant que la vague de la colère publique s’enflait, et que le paganisme, enhardi par la fureur de ses maîtres, aspirait à verser le sang chrétien, Cyprien saisissait toutes les occasions de fortifier les serviteurs de Dieu, de ranimer leur zèle par de salutaires encouragements, et les excitait à fouler aux pieds les tribulations du temps par l’aspect des splendeurs éternelles qui allaient se dévoiler. Telle était sa passion pour la parole sacrée, que son vœu le plus ardent était de mourir de la main du bourreau en parlant de Dieu et dans l’exercice de ses fonctions.

15. Ainsi le pontife préludait par ces pieux exercices à l’immolation d’une victime agréable. Le proconsul l’avait rappelé à Carthage et l’avait enfermé dans une maison de campagne que le saint possédait aux portes de la ville. Au commencement de sa conversion, il l’avait vendue au profit des pauvres ; depuis elle lui était revenue par une faveur du ciel, et il l’eût vendue une seconde fois dans le même but, sans la crainte d’irriter la fureur des païens. D’après l’ordre du proconsul, un officier entouré de soldats alla le surprendre brusquement dans cette campagne, disons mieux, il crut l’avoir surpris. Quelle attaque pouvait être inattendue pour ce généreux athlète qui depuis longtemps se tenait préparé à tout ? Bien sûr que le moment de payer une dette longtemps différée était venu, il se présenta avec un visage gai et tranquille, une contenance intrépide, indice de la fermeté de son âme. L’interrogatoire fut