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ORIGÈNE.

corps, ni dans l’ame de Jésus ; et remarquant la différence entre son corps et celui des héros homériques, il dit avec ironie que le sang répandu par le Christ sur la croix diffère complètement de celui qui émane du corps des vrais dieux. Quant à nous, nous croyons aux paroles : Je suis la voie, la vérité, la vie ; et à d’autres semblables, par lesquelles Jésus-Christ exprime la divinité qui était en lui, en même temps qu’il reconnaît la nature humaine de son corps par les mots : Vous venez me chercher pour me faire périr, moi homme qui vous ai dit la vérité. D’où il suit que le Sauveur possédait une double nature. Or, devant vivre à la manière humaine parmi les hommes, il ne pouvait s’exposer intempestivement à la mort ; il fallait qu’il se laissât emmener par son père nourricier, à qui l’ange de Dieu avait dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie pour ton épouse, car ce qui est né en elle est issu de l’Esprit saint. C’est pourquoi le même ange dit ensuite : Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte, où tu resteras jusqu’à ce que je t’avertisse de partir. Car Hérode cherchera l’enfant pour le perdre. Ces deux textes ne renferment rien qui ne me paraisse naturel. L’ange est censé avoir parlé à Joseph durant son sommeil ; et combien d’autres hommes sont avertis en songe de ce qu’ils doivent faire, ou par un ange ou par un signe qui réveille en eux certains pressentiments de l’avenir ? Par conséquent il n’y a point d’absurdité à ce que le Sauveur, ayant une fois revêtu la nature humaine, adopte les moyens humains pour échapper au péril, non parce qu’il n’aurait pu faire autrement, mais parce qu’il devait suivre l’ordre naturel. Certes la fuite de l’enfant en Égypte avec ses nourriciers, pour éviter les embûches d’Hérode, jusqu’à la mort de ce tyran, était un moyen plus simple que de faire intervenir directement la Providence pour empêcher d’une manière absolue le roi des Juifs de tuer l’enfant, en couvrant en quelque sorte Jésus du casque mythologique de Pluton, ou de tout autre talisman, ou en frappant d’aveuglement