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ET LES OUVRAGES D’ORIGÈNE.

rares facultés de cet enfant. Reportant à Dieu le don et le bonheur d’une sagacité si précoce, Léonide, pendant la nuit, s’approchait parfois du lit d’Origène endormi, et baisait avec respect le sein de ce fils qu’il considérait, dit l’auteur de l’Histoire ecclésiastique, comme le temple de l’Esprit de Dieu.

C’était en quelque sorte une révélation, et le temps allait venir, en effet, où l’Esprit de Dieu se manifesterait dans Origène. En 202, l’empereur Sévère, après avoir triomphé de quelques princes de l’Asie qui s’étaient soulevés contre la domination romaine, traversa, à son retour, la Palestine et l’Égypte. Les Juifs s’étaient révoltés ; Sévère les fit punir ; et en même temps il fit proclamer la défense d’enseigner et de suivre le christianisme. Ce fut le signal d’une persécution à laquelle le zèle du jeune Origène voulait s’offrir lui-même. Sa mère, à force de tendresse et de prières, parvint à le retenir ; mais Léonide ne put y échapper. On le jeta en prison, et Origène serait allé le rejoindre, si sa mère, pour l’en empêcher, ne lui eût soustrait tous ses vêtements. Il écrivit alors à son père une lettre pleine de force ; il l’encourageait au martyre : « Tenez ferme, lui disait-il, et ne vous mettez point en peine de nous. » Léonide périt ; ses biens furent confisqués ; Origène resta le seul appui de sa mère et de ses six jeunes frères.

Le martyre de Léonide les avait laissés dans une extrême pauvreté. Origène fut attiré par une femme fort riche qui, quoique chrétienne, entretenait aussi auprès d’elle un rhéteur hérétique, Paul d’Antioche, qu’elle avait adopté pour son fils, et dont l’éloquence égarée pervertissait les fidèles. Origène ne voulut avoir aucune communication avec lui. Il quitta la maison de cette femme et se mit à enseigner la grammaire. Mais alors le chef de l’école chrétienne d’Alexandrie fut obligé de fuir pour éviter la persécution : à peine âgé de dix-huit ans, Origène fut chargé de l’instruction des catéchumènes à la place de Clément. Tout entier à ce nouvel enseignement, il abandonna les leçons qui le faisaient vivre, vendit sa bibliothèque profane moyennant quatre oboles, environ six sols par jour, ce qui lui suffit pendant long-temps. Ses jeûnes étaient fréquents ; il ne buvait point de vin, et mangeait si peu que son estomac en resta délabré. Il marchait pieds nus, même l’hiver. Il se contentait d’un seul habit, dormait sur la terre ou veillait, et employait la plus grande partie des nuits à