souviens encore, il y a quelque dix ans, avec quel sourire de pitié, beaucoup de gens, et non des moindres, du haut de leur col empesé, accueillaient la nouvelle de la construction de ce chemin de fer du Congo. C’est idiot, c’est absurde, disaient-ils ; il n’y aura jamais assez de trafic pour alimenter un chemin de fer. Aujourd’hui, le résultat est là, navrant pour nous. Dans dix ans, les Belges auront presque amorti leur capital et la ligne fonctionnera, concurrençant, avec une supériorité écrasante, toutes les entreprises rivales que nous essayerons de lancer. Mais ce n’est ici ni le lieu ni l’instant de me laisser entraîner à de semblables considérations.
Nos Sénégalais n’étaient pas instruits ; le capitaine de Lamothe, le lieutenant Kieffer, les deux maréchaux des logis et un sergent nommé Cathala, que le Commissaire général venait de mettre à notre disposition, s’occupèrent d’en faire des soldats et de leur apprendre le tir. Le mois qu’ils passèrent à Brazzaville et qui nous était nécessaire pour mettre nos affaires en ordre, fut employé à ce dressage.