Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/203

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teur. Les chemins sont mauvais, l’eau est rare ; on circule au milieu de buissons d’épines qui blessent tirailleurs et porteurs. D’autre part, ces derniers se fatiguent assez vite et l’on ne peut, par raison d’humanité, les presser davantage.

En outre, le ravitaillement en vivres est très difficile. Nous avons en effet à traverser toute une région complètement dévastée par Rabah, lors de son passage. Le lieutenant Galland a pu constituer à grand’peine un petit stock de mil à Togbao, c’est tout ce que l’on trouvera probablement jusqu’à Bousso. Aussi, les hommes et les officiers sont-ils à la portion congrue. La ration, uniforme pour tous, se compose au maximum d’à peu près deux cents grammes de mil en grains. C’est peu, trop peu, pour des gens qui doivent fournir une telle marche. Heureusement pour nous que la viande ne manque pas. Dans ces contrées, où la dévastation s’est opérée d’une façon si radicale, il ne reste absolument rien ; partout des villages ruinés ; pas une plantation. L’homme a fui ces lieux désolés et a été remplacé par les animaux sauvages.

Les antilopes de toute espèce s’y trouvent en quantité si nombreuse et sont si peu farouches que, sans même arrêter la marche de la colonne, on peut en abattre une douzaine chaque jour. Deux ou trois cavaliers se détachent, les ramassent, les hissent sur des chevaux et, le soir, à l’étape, on en fait le partage. Je n’ai jamais vu, pendant les douze années que j’ai passées en Afrique, de pays plus giboyeux que la région du Chari. Sans nous donner la moindre peine, nous pouvions tous les jours, sans exception, donner à nos six cents rationnaires au moins cinq cents grammes de viande par tête. Sans cette heureuse circonstance, je ne sais s’il nous eût été possible d’arriver au but.

C’est dans ces conditions que nous atteignons successivement Togbao, puis Bousso, où j’arrive avant la colonne, avec le capitaine Robillot. Le lieutenant Galland nous y a précédés et le capitaine de Lamothe est allé à Maciré pour tâcher de réunir du mil.