Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/226

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de lance, la 2e (de Cointet) vient derrière au pas gymnastique ; son capitaine, beau comme un héros, est en tête, superbe d’allure, son sabre à la main. Pressé par ses hommes qui se ruent à l’assaut, il se retourne vers eux : « Ne me dépassez pas, surtout ! » Et tous, les uns poussant les autres, ils abordent les palissades.

La compagnie de Lamothe, qui vient derrière, a la chance de trouver devant elle une porte ouverte qui lui donne passage. Elle entre dans le tata ; les 1re et 2e compagnies y sont aussi. L’ennemi, bousculé, ne peut tenir et abandonne la place pour s’enfuir. Les tirailleurs de Joalland et ceux du Chari poursuivent les fuyards à la baïonnette. C’est une vraie boucherie aux portes, trop étroites pour laisser passer toute cette foule hurlante, grouillante, qui cherche à fuir le massacre. La journée est à nous, le tata est pris.

Tout semble fini. Le commandant, qui est resté à cheval, ayant à côté de lui le lieutenant de Chambrun et le capitaine Robillot, est dans l’intérieur de l’enceinte. Tout d’un coup, de l’autre côté des palissades, on voit des fusils qui sortent par les intervalles existant entre les pieux ; une décharge terrible retentit. Le commandant Lamy tombe, gravement blessé, le capitaine de Cointet est tué, le lieutenant de Chambrun est blessé d’une balle qui lui casse le bras.

Voici ce qui s’était produit. Rabah, chassé du tata, avait été obligé de fuir. Mais bientôt dans un mouvement d’enthousiasme, il se décidait à revenir vers son retranchement où il voulait mourir. Entouré de quelques fidèles, il ordonna un retour offensif et fit ouvrir le feu de l’extérieur des palissades sur les nôtres qui étaient dans le tata. C’est cette dernière décharge qui nous coûta des pertes aussi cruelles[1].

Pendant ce temps les Baguirmiens, que j’ai toutes les peines du monde à empêcher de tirer, de peur qu’ils ne tuent les nôtres, arrivent au tata. Les gens de Rabah, et Rabah lui--

  1. Cette tentative suprême de Rabah ne put réussir, grâce au sang-froid de Robillot, qui, aidé du sergent-major Fournier, du fourrier Fontenaut et du maréchal des logis Baugnies, refoule rapidement l’ennemi.