Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/255

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Autour de la ville, de nombreux villages arabes se sont élevés ; ils sont en général d’une saleté repoussante. Il est curieux que leurs habitants, qui prétendent être d’essence plus noble que les vrais Bornouans, consentent à vivre d’une façon aussi peu confortable. Et cependant ils sont riches, possèdent de nombreux troupeaux et produisent du mil en très grande quantité. De plus, malgré les croisements qu’ils ont subis, le type sémite s’est fort bien conservé chez eux. Ils sont en général très beaux et leur teint est beaucoup plus clair que celui des Baguirmiens ou des Bornouans, qui sont de purs noirs. Leurs femmes sont souvent fort jolies et savent s’habiller avec assez d’élégance, mais elles sont très sales.

Nous mettons six jours pour accomplir notre trajet. Partout, nous sommes bien accueillis. Bornouans et Arabes nous apportent à chaque étape du lait frais et du beurre. Le cheik du Bornou, qui nous accompagne, reçoit sur sa route de forts contingents de soldats, dont beaucoup sont armés de fusils. Plus on se rapproche de Dikoa, plus la population est dense. Le terrain étant très plat, on distingue les objets de très loin ; tous les trois ou quatre kilomètres, nous rencontrons des villages arabes, ou de petites villes fortifiées, comme N’Gala. Ourselé, etc., qui sont bâties sur de petites éminences. Si Rabah, au lieu de venir au devant de nous, avait eu l’idée de se défendre dans tous ces petits fortins et de se replier ensuite, quand il eût été sur le point d’être débordé, il n’est pas douteux qu’on ne serait jamais venu à bout de lui, car les munitions nous auraient vite fait défaut. Il est bien heureux qu’il n’y ait pas songé.

Le matin à huit heures nous passons en face d’Adjiré, résidence du Dikoama, ou gouverneur de Dikoa. C’est une petite bourgade sans importance, on ne dirait vraiment pas qu’elle abrite un aussi gros personnage.

Enfin, nous sommes en vue de Dikoa. L’impression ressentie est grandiose. Si loin que la vue s’étende, on aperçoit des murailles et l’on est frappé de la régularité des constructions. Tout est très propre ; on sent qu’il y a eu là un maître sachant