Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/263

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puissance pour ne pas me rendre les nombreux captifs bandas, originaires de la région du Gribingui, où Rabah les avait enlevés. Il finit cependant par m’en remettre un bon nombre parmi lesquels je trouvai des femmes de nos Sénégalais morts à Togbao. On conviendra que la reconnaissance n’était pas la vertu dominante de notre hôte.

On jugera encore mieux de ses bons sentiments en lisant l’anecdote suivante :

Après la mort de Kiari et la chute de l’ancien royaume de Bornou, celui qui devait plus tard être le cheik Omar s’était enfui à Zinder. Il y vivait d’une façon très précaire, presque misérable. Seule, une de ses femmes légitimes l’avait suivi. Pendant toute la durée de son exil, elle ne le quitta pas un instant et ne cessa de l’entourer de ses soins. Quand son mari rentra au Bornou sous la protection de la mission Saharienne, elle l’accompagna naturellement, prête à partager tous les dangers qu’il pouvait courir.

Elle en fut bien mal récompensée. Le jour où Omar, grâce à l’aide des trois missions françaises, fut remis en possession du trône de ses pères, il oublia tous les services que cette malheureuse femme lui avait rendus. La trouvant trop vieille, il la répudia, sans autre forme de procès, pour en épouser de plus jeunes.

Ce qui acheva de me rendre tous les Bornouans peu sympathiques, ce fut leur attitude envers tous ceux qui de près ou de loin avaient servi Rabah. Les vengeances exercées furent odieuses. L’un des chefs de bannière de Rabah, nommé Béchara, blessé en plusieurs endroits et incapable de se mouvoir, me fut présenté. Je demandai au cheik Omar de le bien traiter et d’assurer sa subsistance. Il me le promit. À peine avais-je quitté Dikoa, que le malheureux Béchara était étranglé.

Sa fille, qui ne l’avait pas quitté et qui le soignait avec le plus grand dévoument, fut entraînée par les femmes bornouanes sur la place du marché et mise à mort.

Je cite ce fait en particulier, mais il s’en est passé des cen-