est presque nulle. On fait monter la pression à 11 kilos (la chaudière étant timbrée à 9) et finalement après quelques minutes angoissantes nous voici hors de danger. Il n’y a plus qu’à passer le seuil de Mokoangaï, très facile quand on le connaît bien, et l’on n’est pas loin de Ouadda. Mokoangaï est franchi, et, tout soulagé, je me prépare à fumer une cigarette, avec la satisfaction du devoir accompli, je me relâche un peu de ma surveillance, et nous allons nous échouer sur un banc de sable. Une minute après nous étions de nouveau en route, mais l’arbre de l’hélice faisait en tournant un broutement anormal ; la vitesse était diminuée, nous avions certainement un accident dans notre hélice. Tant bien que mal nous arrivons à Ouadda ; l’hélice est démontée : elle n’avait que deux branches, l’une d’elles s’était cassée. À l’examen, la cassure était brillante sur environ un quart de sa longueur, l’autre partie était rouillée et l’avarie datait de longtemps. Nous venions donc de passer les rapides avec une hélice dont une aile était aux trois quarts cassée. Quand j’y songe encore, j’en ai froid dans le dos. À quoi tient la vie en certaines circonstances !
Enfin nous sommes à Ouadda. On met en place l’hélice de rechange et je renvoie le Faidherbe à Brazzaville. Je retrouvai le poste que j’y avais créé à peu près abandonné. Seul un Sénégalais y gardait notre pavillon et une factorerie hollandaise s’y était installée pour faire le commerce de l’ivoire avec les indigènes…
On construisit d’abord un magasin, pour y renfermer le matériel, après quoi on continua l’éducation militaire de nos hommes qui laissait beaucoup à désirer. J’avais alors comme personnel indigène quarante Sénégalais, autant de Soussous, une trentaine de Bacongos recrutés à Brazzaville et une douzaine de déserteurs de l’État Indépendant. Tout le monde était armé, mais en réalité des Sénégalais seuls on pouvait faire des soldats. À part quelques exceptions, tout le reste était surtout bon à faire des porteurs… Des porteurs ! C’est là la question capitale. J’en avais soixante-dix et il me fallait en trouver deux mille. J’étais loin de