Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/37

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nous obliquons à l’Ouest, et après trois heures de marche dans une broussaille épaisse, nous finissons par venir camper auprès d’un clair ruisseau. De temps en temps on entendait des cris partant du fouillis d’arbres qui nous entourait. C’étaient des indigènes qui se réunissaient. Bientôt des tam-tams résonnèrent de toutes parts, et vers la fin de la journée un guerrier armé de pied en cap se mit à nous héler. Grâce à notre interprète, je réussis à le faire venir et lui demandai de nous procurer des vivres… Il disparut et ne tarda pas à revenir avec de nombreux compagnons. Ils avaient bien quelques vivres, mais le désir de les vendre ne semblait pas être leur grande préoccupation.

Ce qui les attirait surtout c’étaient nos ballots de fusils, qu’ils auraient voulu posséder. Au fur et à mesure que leur nombre augmentait, leurs exigences devenaient plus grandes : on me demandait de donner un fusil pour une poule… Je me rendis vite compte que l’on voulait essayer un mauvais coup. C’était d’autant plus certain que pas une femme n’était venue vendre. Étant donné ce que je savais des mœurs indigènes, c’était ou une déclaration de guerre à bref délai, ou au moins le signe d’intentions peu bienveillantes. Aussi me décidai-je à rompre le marché et à me remettre en route pour occuper un meilleur point de défense.

Mon monde fut vite rassemblé, les porteurs au centre, encadrés par des Sénégalais. Tandis qu’une avant-garde protégeait la marche, l’arrière-garde avec Le Bihan surveillait les indigènes dont le nombre s’accroissait sans cesse. J’étais à peine de l’autre côté du ruisseau que je découvris une seconde troupe, bien plus nombreuse que la première, se dirigeant vers nous en poussant des vociférations… C’était décidément un guet-apens qu’on nous avait tendu. On forma le carré, et cette manœuvre sembla si fort étonner nos agresseurs qu’ils s’éloignèrent rapidement et se tinrent à distance respectueuse… Ces indigènes s’appelaient des G’Baggas.

Mon but étant de les attirer vers nous, par l’appât d’un gain quelconque, je voulais par dessus tout éviter une effusion de