Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/61

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commencer le montage du Léon-Blot. Je me passionne pour cette tâche. Les plaques de tôle sont amenées sur le chantier ; on les boulonne l’une avec l’autre ; les couples se dressent. Un forgeron Mandjia est embauché et nous prête son concours.

Pendant que je fais le métier d’ingénieur et d’ouvrier, Huntzbüchler s’occupe des convois ; ils fonctionnent très bien. Aussi je décide de l’envoyer avec le jeune Prins reconnaître la rivière. Le chef Mandjia Makourou, qui est devenu notre ami, me donne des renseignements qui ne laissent pas que de m’inquiéter : il y aurait, à deux jours de marche du camp, des rapides infranchissables. Il était indispensable de s’assurer de la véracité de ce fait.

Le 23 novembre, Huntzbüchler, Prins et une vingtaine d’hommes s’embarquent dans le boat et redescendent la rivière. Je reçois d’eux de fréquentes communications. La rivière est barrée par des pêcheries qu’il faut couper ; les troncs d’arbres tombés gênent beaucoup la navigation. Il faut travailler pendant dix jours pour trouver un passage de 4 mètres de large. Les indigènes les aident dans leurs travaux. Enfin la rivière devient plus belle ; les rives ne sont plus habitées, plus de pêcheries par conséquent ; tout d’un coup ils débouchent sur des rapides où ils manquent d’être entraînés mais qui, heureusement, ne s’étendent pas sur un long espace. Pendant 8 kilomètres environ, c’est une succession de cascades, de chutes.

Trois d’entre elles sont surtout merveilleuses : l’eau coule de roche en roche sur une largeur de plus de 50 mètres et sur une hauteur de plus de 10 mètres. C’est un château d’eau naturel de toute beauté. Il ne fallait pas songer à s’aventurer dans ces dangereux parages. Aussi, après avoir reconnu la longueur des chutes en suivant les berges, nos hommes se décident, dès qu’ils aperçoivent un bief navigable, à transporter leur bateau par terre sur les 8 kilomètres qui séparaient les deux zones saines de la rivière. En une demi-journée, c’est chose faite, le boat est remis à l’eau ; il y a bien encore par ci, par là, quelques endroits dangereux, mais, somme toute, on