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Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/97

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n’était pas arrivée, et, comme on me fit comprendre que l’envoyé d’un grand pays ne pouvait, sans risque de compromettre sa dignité, se mêler ainsi au vulgaire, je dus regagner mon logis. J’en avais cependant assez vu pour me rendre compte qu’un Européen pouvait trouver là à peu près tout ce dont il avait besoin, tant en vivres qu’en marchandises.

Rentrés chez nous, nous recevons la visite de personnages importants, de lettrés, et nous terminons la journée par une causerie fort intéressante qui me permit de réunir de nombreux documents géographiques, historiques et politiques sur le pays. Vers six heures du soir, cinquante esclaves entrent chez nous et nous offrent de la part du sultan des vivres de toute espèce, des friandises de toute sorte[1]. Comme nous sommes trop peu nombreux pour consommer le tout, nous nous attirons une grande popularité en faisant distribuer notre superflu aux pauvres.

Ce fut seulement dans la nuit du lendemain que le sultan Gaourang me donna une audience privée. Même au Baguirmi, le protocole a des exigences. M’étant informé si je pourrais m’asseoir autrement qu’à terre en présence du sultan, il me fut répondu que cela n’était pas possible. Je dus déclarer que, si je ne devais pas rester longtemps, je consentais à me tenir debout, mais que si l’audience se prolongeait, je refusais, comme envoyé d’un grand pays, de m’asseoir par terre. On fut obligé d’en référer au sultan, qui très gracieusement m’invita à faire apporter un siège. Cette concession, minime en apparence, nous valut d’être traités avec une grande considération par tout l’entourage du m’bang (sultan). Nous quittons donc notre demeure vers une heure et demie du matin, pour nous acheminer vers le palais. Ahmed et mon domestique m’accompagnaient. On nous fit pénétrer dans une série de cours renfermant de nombreuses habitations et toutes garnies de sentinelles en armes. Après quoi on nous introduisit près du sultan. Assis, dans la même salle où il nous avait reçus en audience publique, sur une espèce de trône en bois recouvert de tapis très épais, le sultan nous accueillit très

  1. Voir Note 4.