Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/98

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cordialement. Il était vêtu d’un pantalon en gros drap bleu soutaché de broderies noires et de vêtements arabes très riches. La tête était entourée d’un turban blanc brodé d’or. Auprès de lui, des parfums brûlaient dans deux cassolettes en cuivre repoussé. La salle était éclairée par la lumière d’une douzaine de bougies renfermées dans des lanternes pliantes. Une vingtaine de sentinelles en armes se tenaient derrière lui, et, trouvant peut-être que c’était insuffisant, il avait à portée de la main cinq fusils chargés…

Si gracieux qu’ait été l’accueil, j’avoue avoir éprouvé, durant les premières minutes, une certaine gêne, qui se dissipa bientôt en présence de la cordialité qui ne cessa de régner pendant cet entretien.

D’apparence jeune, le sultan Mohammed-Abd’Er-Rhaman-Gaourang a un visage agréable, quoique légèrement marqué par la variole. Il doit à son manque d’exercice un certain embonpoint qui, suivant toute probabilité, ne fera que s’accroître.

Fils du sultan Abd-El-Kader, qui régnait sur le Baguirmi du temps de Barth, il a passé presque toute sa jeunesse au Ouadaï où il fit toutes ses études. Très instruit et très juste envers son peuple, il est aimé de tous, d’autant qu’il jouit parmi les siens d’une grande réputation de bravoure. Assiégé en 1893, pendant cinq mois, dans Maïnhefifa par Rabah, il n’hésita pas à se mettre à la tête des siens et, après une lutte désespérée, à franchir la ligne des assiégeants, ce qui lui permit de se replier sur Massénia sans être poursuivi.

Notre causerie ne dura pas moins d’une heure et demie et roula sur la France, sur Crampel, sur Rabah, et sur la politique générale à suivre. C’est cette nuit-là que fut décidée, en principe, la signature d’un traité entre le Baguirmi et la France.

Notre séjour à Massénia se prolongea quinze jours. Je revis le sultan presque tous les jours : une fois en audience publique où seul j’étais assis sur un tapis, et les autres fois pendant la nuit. Durant ces nouvelles entrevues, Gaourang, évidemment rassuré sur mon compte, ne s’entoura plus du même luxe de