Il y eut un silence de quelques minutes, car la lutte dans l’esprit d’Adam ne fut pas si aisément décidée. Les caractères faciles, dont les émotions sont peu durables, auront de la peine à comprendre quelle vive résistance intérieure il dut vaincre avant de se lever de sa chaise et de se tourner vers Arthur. Arthur entendit ce mouvement, et en se retournant il rencontra le regard triste mais adouci d’Adam, qui lui dit :
« Ce que vous dites est vrai, monsieur ; je suis dur, c’est dans ma nature. J’ai été trop dur avec mon père quand il se conduisait mal. J’ai été un peu dur pour tout le monde, excepté pour elle ; il me semblait que personne n’en avait assez pitié ; ses souffrances me pénétraient tellement ! Quand je crus trouver que les gens de la Ferme étaient trop sévères pour elle, je me dis que je ne le serais plus moi-même pour personne. Tout ce que j’ai senti pour elle m’a peut-être rendu injuste envers vous. J’ai su, dans ma vie, ce que c’est que se repentir lorsqu’il est trop tard ; j’ai senti, quand j’ai perdu mon père, que j’avais été trop impitoyable pour lui ; je le sens encore quand je pense à lui. Je n’ai aucun droit d’être sévère pour ceux qui, ayant fait une faute, s’en repentent. »
Adam dit ces mots avec la netteté positive d’un homme résolu à ne rien omettre de ce qu’il se croit engagé à dire ; mais il continua avec plus d’hésitation :
« Je n’ai pas voulu vous toucher la main, monsieur, un jour que vous me l’offriez ; mais si vous le voulez maintenant, quoique je vous l’aie refusé alors… »
La main blanche d’Arthur fut immédiatement vigoureusement étreinte par celle d’Adam, et dans ce mouvement il y eut des deux côtés un puissant élan d’ancienne affection d’enfance.
« Adam, dit Arthur entraîné alors à un aveu complet, cela ne serait jamais arrivé si j’avais su que vous l’aimiez,