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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/32

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adam bede.

Adam s’inquiétait d’autant moins d’être assis à côté de M. Casson, que de sa place il pouvait voir Hetty, qui n’était pas loin de lui, à la table voisine. Hetty, toutefois, n’avait pas même remarqué sa présence, car elle était obligée de donner une attention inquiète à Totty, qui voulait absolument remonter ses pieds sur le banc à la manière antique, et menaçait ainsi de faire des marques terreuses sur la robe rose et blanche de sa cousine. Pas plutôt les petites jambes étaient-elles redescendues qu’elles remontaient, car Totty était trop occupée à examiner les grands plats, afin de voir où était le plum-pudding, pour penser à ses jambes. Hetty perdit tout à fait patience et dit à la fin, en faisant une moue de mauvaise humeur et retenant ses larmes :

« Vraiment, ma tante, je voudrais bien que vous parliez à Totty ; elle veut absolument remonter ses jambes et elle salit ma robe.

— Qu’y a-t-il donc avec cette enfant ? Vous n’en êtes jamais satisfaite, dit la mère. Qu’elle vienne alors à côté de moi, je puis m’accorder avec elle. »

Adam regardait Hetty ; il vit sa mauvaise humeur, sa moue et ses grands yeux noirs paraissant s’agrandir encore par ces larmes chagrines à moitié retenues. La calme Mary Burge, qui était assez rapprochée pour voir qu’Hetty était de mauvaise humeur et que les yeux d’Adam étaient fixés sur elle, pensa qu’un homme aussi sensé qu’Adam devait réfléchir au peu de prix de la beauté chez une femme d’un mauvais caractère. Mary était une bonne fille, peu portée à se laisser aller à de mauvaises pensées ; mais elle se disait que, puisque Hetty était ainsi, il valait mieux qu’Adam le sût. Il est parfaitement sûr que, si elle n’eût pas été aussi jolie, elle aurait paru tout à fait laide et désagréable dans cet instant, et le jugement que l’on aurait porté alors sur elle n’aurait point été faux. Mais, vraiment, il y avait quel que chose de charmant dans sa petite colère, qui ressem-