Aller au contenu

Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
adam bede.

voie de si excellent fromage à la crème ne doit pas être négligée. Dieu me bénisse ! quelle grasse enfant elle tient sur ses genoux ! Mais quelle est cette jolie fille aux yeux noirs ?

— C’est Hetty Sorrel, dit miss Lydia Donnithorne, la nièce de Martin Poyser ; une jeune personne qui plaît et qui a très-bonne mine. Ma femme de chambre lui a enseigné de beaux ouvrages à l’aiguille, et elle m’a raccommodé quelques dentelles d’une manière très-recommandable…, très-recommandable.

— Mais elle demeure chez les Poyser depuis six ou sept ans, ma mère ; vous devez l’avoir vue, dit miss Irwine.

— Non, je ne l’ai jamais vue, mon enfant, au moins pas telle qu’elle est maintenant, dit madame Irwine, continuant à regarder Hetty. Bonne mine, vraiment ! Mais c’est une parfaite beauté ! Je n’ai rien vu d’aussi joli depuis mes jeunes années. Quel dommage qu’une telle fille soit jetée au milieu de fermiers, quand on en manque si terriblement dans de bonnes familles sans fortune ! Car je suis presque sûre, maintenant, qu’elle épousera quelque homme qui l’aurait trouvée tout aussi jolie, si elle avait des yeux ronds et des cheveux rouges. »

Arthur n’osa pas tourner les yeux du côté d’Hetty pendant que madame Irwine parlait d’elle. Il feignit de ne pas entendre et d’être occupé de quelque chose du côté opposé. Mais il la voyait facilement, sans la regarder ; il la Voyait encore embellie, parce qu’il entendait louer sa beauté, car l’opinion des autres, vous savez, était comme l’air natal pour les sentiments d’Arthur ; c’était l’air où ils poussaient le mieux et prenaient le plus de vigueur. Oui, elle était assez jolie pour tourner la tête de tout homme ; tout autre homme à sa place aurait agi et senti comme lui. Et la quitter, comme il l’avait déterminé, serait, après tout, une action dont il se rappellerait toujours avec orgueil.