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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/50

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adam bede.

— Oui, certainement, dit madame Irwine. Eh bien, Bessy, voici votre prix, d’excellentes choses chaudes pour l’hiver. Je suis sûre que vous avez eu bien de la peine pour les gagner par la chaleur d’aujourd’hui. »

Les lèvres de Bessy se comprimèrent en voyant cette laide et lourde robe, qui paraissait si chaude et désagréable, dans cette journée de juillet, et était une si vilaine chose à porter. Elle fit de nouvelles révérences, sans lever les yeux, avec un tremblement croissant vers les coins de sa bouche et se retira.

« Pauvre fille ! dit Arthur, je crois qu’elle est désappointée. J’aurais désiré que ce fût quelque chose de plus à son goût.

— Elle a l’air d’une jeune personne hardie, observa miss Lydia, et n’a rien que je voulusse encourager. »

Arthur résolut, à part lui, de faire à Bessy présent de quelque argent avant la fin de la journée, afin qu’elle pût s’acheter quelque chose qui lui plût davantage. Mais elle, qui ne se doutait point de la consolation qui lui était réservée, sortit de l’espace découvert où on pouvait la voir depuis la tente, et, jetant l’odieux paquet sous un arbre, se mit à pleurer au milieu des sourires moqueurs des petits garçons. Elle fut aperçue dans cette situation par la discrète matrone, sa cousine, qui ne perdit pas de temps pour venir à elle, après avoir remis son bambin aux soins de son mari.

« Qu’est-ce qui vous prend ? dit Bess, la matrone, en relevant le paquet et l’examinant. Vous vous êtes trop échauffée, je gage, en courant pour ce prix de fous. Et voilà qu’ils vous ont donné une quantité de bonne bure et de flanelle, comme on aurait pu en donner avec justice à celles qui ont eu le bon sens de s’abstenir d’une telle sottise. Vous devriez bien me garder un peu de cette bure pour habiller mon garçon ; vous n’avez jamais eu mauvais cœur, Bessy ; je ne l’ai jamais dit de vous.