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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/82

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adam bede.

pâle et immobile, les mains encore enfoncées dans les poches de son gilet.

« Comment ! dit-il, vous ne voulez pas vous battre comme un homme ? Vous savez bien que je ne vous frapperai pas tant que vous resterez ainsi.

— Éloignez-vous, Adam, dit Arthur, je ne veux pas me battre contre vous.

— Non, dit Adam avec amertume, vous ne voulez pas vous battre contre moi ; vous pensez que je suis un homme du peuple, auquel vous pouvez faire tort sans en être responsable.

— Je n’ai jamais eu l’intention de vous nuire, dit Arthur, sa colère revenant. Je ne savais pas que vous l’aimiez.

— Mais vous l’aviez fait vous aimer, dit Adam. Vous êtes un homme à double face, je ne croirai plus jamais un mot de ce que vous direz.

— Éloignez-vous, vous dis-je, dit Arthur avec colère, ou nous nous en repentirons tous les deux.

— Non, dit Adam d’une voix convulsive, je jure que je ne m’en irai pas sans me battre avec vous. Avez-vous besoin d’une provocation de plus ? Je vous dirai que vous êtes un lâche et un drôle et que je vous méprise. »

Tout le sang reflua au visage d’Arthur. Sur l’instant sa blanche main droite se ferma et comme un éclair frappa un coup qui renvoya Adam chancelant en arrière. Son sang était aussi en mouvement que celui d’Adam maintenant, et ces deux hommes, oubliant les émotions précédentes, se battaient avec la férocité instinctive de panthères, à la lueur du crépuscule, assombri par les arbres. Le gentilhomme aux mains délicates était un véritable adversaire digne de l’ouvrier, si ce n’est pour la force. L’habileté d’Arthur à parer les coups lui permit de prolonger assez longtemps la lutte. Mais, entre hommes sans armes, la victoire reste au plus fort, quand il n’est pas un maladroit, et Arthur devait