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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/88

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adam bede.

Aussi restèrent-ils silencieux jusqu’à ce que la bougie brûlât dans l’intérieur du bougeoir ; ce silence devenait toujours plus pénible pour Adam. Arthur venait de se verser un nouveau mélange d’eau-de-vie et d’eau ; il avait mis un bras derrière sa tête et remonté une de ses jambes dans une attitude de retour au bien-être, qui devint pour Adam une tentation irrésistible de dire ce qu’il avait dans l’esprit.

« Vous commencez à vous mieux retrouver vous-même, monsieur, dit-il, comme la lumière s’éteignait et qu’ils se voyaient à peine à la faible clarté de la lune.

— Oui ; mais je ne me sens pas bon à grand’chose ; très-appesanti et peu disposé à marcher ; je retournerai à la maison quand j’aurai bu cette dernière dose. »

Il y eut un instant de silence avant qu’Adam ne reprît :

« La colère m’a dominé, et j’ai dit des choses qui n’étaient pas justes. Je n’avais pas raison de parler comme si vous saviez que vous me faisiez tort ; vous n’aviez point de motifs pour le croire ; j’avais toujours gardé aussi secret que possible ce que je sentais pour elle. »

Il s’arrêta de nouveau avant de continuer.

« Et peut-être vous ai-je jugé trop rigoureusement, je suis porté à être sévère ; et vous pouvez avoir agi par légèreté plus que je ne l’aurais cru possible chez un homme doué d’un cœur et d’une conscience. Nous ne sommes pas tous faits de même, et nous pouvons nous mal juger mutuellement. Dieu sait que c’est toute la joie que je pourrais avoir maintenant que de penser de vous le mieux possible. »

Arthur aurait désiré retourner à la maison sans rien dire de plus, il était trop péniblement embarrassé intérieurement aussi bien que trop faible de corps pour désirer de pousser plus loin l’explication ce soir. Cependant ce fut un soulagement pour lui qu’Adam eût repris ce sujet d’une