M. TULLIVER, DU MOULIN DE DORLCOTE, DÉCLARE
SA RÉSOLUTION AU SUJET DE TOM« Ce que je désire, savez-vous, dit M. Tulliver, ce que je désire, c’est de donner à Tom une bonne éducation, une éducation qui puisse lui assurer du pain. C’est à quoi je pensai, quand j’ai signifié qu’il quitterait l’académie[1] à la Notre-Dame. J’ai l’intention de le mettre dans un véritable pensionnat à la Saint-Jean. Les deux ans à l’académie auraient bien suffi, si j’avais voulu en faire un meunier et un fermier ; car il a eu joliment plus d’école que moi ; toute l’instruction que mon père a jamais payée à mon intention s’est bornée à une verge de bouleau et à un alphabet. Mais j’aimerais que Tom eût un peu plus d’études, afin d’être au fait des tours de ces gaillards qui savent si bien parler et écrire avec des paraphes. Il me serait utile alors pour les procès, les arbitrages et autres choses. Je voudrais faire de ce garçon un véritable homme de loi, non pas un de ces rusés coquins, j’en serais fâché, mais une espèce d’ingénieur, d’arpenteur, d’huissier ou d’expert, comme Riley, ou enfin lui donner quelqu’une de ces occupations habiles qui sont tout profit, sans autre avance de fonds qu’une grosse chaîne de montre et un tabouret élevé. Elles revien nent toutes à peu près au même, et elles ne, sont pas loin de ressembler aux affaires de loi, je crois ; car Riley regarde le procureur Wakem en face aussi hardiment qu’un chat en regarde un autre. Il n’en a pas du tout peur. » M. Tulliver s’adressait à sa femme, une blonde de bonne mine, sous son bonnet en forme d’éventail (je suis effrayé en pensant au temps écoulé depuis qu’on en portait ; ils doivent être sur le point de revenir à la mode à cette époque, où Mme Tulliver avait près de quarante ans, ils
- ↑ Pension d’éducation primaire.