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Page:George Eliot Le moulin sur la Floss Tome 1 1897.djvu/12

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LE MOULIN DE FLOSS


vaudrais m’empêcher d’engager un bon charretier, parce qu’il aurait une verrue au visage.

-Vraiment, dit avec calme Mme Tulliver, fort étonnée, quand ai-je fait quelque objection contre un homme parce qu’il avait une verrue au visage ? C’est-à-dire que je les aime plutôt, les verrues, car mon frère qui est mort en avait une sur le front. Mais je ne me rappelle pas que vous ayez jamais voulu engager un charretier qui eût une verrue, monsieur Tulliver. Nous avons eu John Gibbs, qui n’en avait, pas plus que vous sur le visage, et que je vous ai encouragé à prendre ; vous l’avez pris, et s’il n’était pas mort d’une inflammation- nous avons bien payé le docteur Turnbull pour le soigner - il conduirait fort probablement encore le chariot maintenant. Il pouvait bien avoir quelque verrue cachée, mais comment aurais-je pu le savoir, monsieur Tulliver ?

-Non, non, Bessy ; je ne voulais pas dire précisément une verrue ; je voulais dire par là quelque chose de plus qu’il ne faut. Mais c’est égal ; il est difficile de parler. Ce à quoi je pense, c’est à trouver précisément l’espèce d’école qu’il faut pour Tom ; car je pourrais être encore mis dedans, comme je l’ai été avec l’académie. Je ne veux plus rien avoir a faire avec une académie ; à quelque pensionnat que j’envoie Tom, ce ne sera pas une académie ; ce sera un endroit où les garçons emploient leur temps à quelque chose de mieux qu’à cirer les souliers de la famille et à arracher les pommes de terre. C’est une affaire extraordinairement embarrassante que de savoir quelle école choisir. » M. Tulliver se tut une ou deux minutes et enfonça les deux mains dans ses poches, comme s’il espérait par là trouver une idée. Il paraît qu’il ne fut pas déçu car il dit bientôt « Je sais ce que je ferai. J’en parlerai demain à Riley ; il vient demain comme arbitre pour l’écluse.

-Bien, monsieur Tulliver, j’ai sorti des draps pour le meilleur lit, et Kezia les fait sécher devant le feu. Ce ne sont pas les plus beaux ; mais ils sont assez bons pour que quelqu’un dorme bien dedans, quel qu’il puisse être ; car, pour les beaux draps de Hollande, je me repentirais de les avoir achetés, si ce n’était qu’ils doivent servir à envelopper nos `