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Il y a, chez les Asiates, un mélange de sérieux et de bouffon, de comique et de tragique, de cruauté et de scie pour caf’-concert, qui n’ont pas dans nos civilisations le moindre équivalence.

D’ailleurs, je vais vous conter une histoire, si j’ose dire, amoureuse, et très authentique, qui m’advint peu avant la guerre et peut admirablement servir de symbole.

J’étais alors ingénieur au chemin de fer du Yunnan. Vous savez que nous construisions cela en association avec divers ennemis d’aujourd’hui. Le comte Vitali avait mené l’affaire, financièrement. L’Allemand von Kapp portait le titre d’ingénieur en chef ; les capitaux étaient français et la contre-maîtrise italienne. Le flot de mercantis qui suit les entreprises de ce genre, lui, était grec, les médecins, anglais, et les fournitures ferroviaires, américaines. Mais les ciments, et Dieu sait si j’en ai coulé des milliers de tonnes dans des moules, pour faire passer cette garce de voie ferrée parmi les marais, les ciments, donc, étaient français. Nous étions douze ingénieurs français pour faire les travaux géodésiques, les tracés et les remblais. Il fallait rejoindre l’autre tronçon qui partait à trois cents kilomètres de là. Je dois dire, pour ne rien oublier, que les ingénieurs de ce tronçon, recrutés en Italie par Vitali, firent une erreur de niveau de soixante-seize mètres, de sorte que, pour rejoindre ma ligne, ils durent ajouter au tracé primitif une courbe de raccord, en pleines rizières, qui coûta trente millions et utilisa cent mille