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ESCAL-VIGOR

rait dit qu’il se rebiffait, qu’il lui tardait de rejoindre ses petits camarades très amusés par cette scène. Le comte, découragé, le lâcha.

Le petit sauvage prit son élan vers les autres vachers, mais il s’arrêta court, cessa de rire, porta les deux mains devant ses yeux, et se laissa choir dans l’herbe où il se vautrait, le corps secoué par des sanglots, mordillant la bruyère, et entrechoquant ses pieds nus.

Le comte, de plus en plus ahuri, courut le relever :

— Pour l’amour du ciel, petit, calme-toi ! Tu ne m’as donc point compris ! C’est à tort que tu t’alarmes. Je ne me pardonnerai jamais de t’avoir fait de la peine. Au contraire, je voulais ton bien. Je me flattais de mériter ta confiance, de devenir ton grand ami. Et voilà que tu te mets dans cet état pénible ! Mettons que je n’ai rien dit ! Sois tranquille… Je ne veux point t’enlever malgré toi ! Adieu…

Et le comte allait sauter en selle. Mais le jeune Govaertz se redressa à moitié, se traîna à genoux, lui prit les mains, les embrassa, les mouilla de larmes et éclata enfin, se soulagea en un flux de paroles jaculatoires comme si, longtemps suffo-