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ESCAL-VIGOR

don. Elle y vit une façon pour le comte de faire indirectement la cour à la sœur, en mettant le frère dans ses intérêts. Sans doute Kehlmark ferait du petit pâtre le confident de son amour pour la jeune fermière. « Il est trop timide pour se déclarer directement à moi, se disait-elle ; il s’en ouvrira d’abord au petit, et il tâchera d’être édifié par lui sur la nature de mes sentiments. Il a pris un assez piètre intermédiaire. Mais il n’avait pas le choix. En attendant, cette sollicitude que le comte témoigne à ce méchant polisson va plutôt à moi ! » Et, très infatuée, la rude fille se réjouissait de ce commerce assidu entre le Dykgrave et le vaurien si longtemps répudié, presque renié par les siens. Elle en arrivait même à se départir de sa brusquerie et de sa hargne à l’égard de son puîné. À présent elle le choyait, l’entourait d’égards, s’occupait de ses vêtements, entretenait son linge, tous soins auxquels il n’avait pas été habitué. Pour expliquer ce revirement, la mâtine avait mis Govaertz dans la confidence de son grand projet matrimonial. Le bourgmestre, non moins ambitieux, applaudit à ces hautes visées et ne douta pas un instant de la réussite. À l’exemple de son enfant préférée, il cessa de rudoyer et il ménagea son garçon.