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ESCAL-VIGOR

Lorsqu’ils se baignaient dans le Démer, Gérard admirait ce jeune corps svelte et gracieux ; et il ne connaissait point plaisir comparable à celui d’enlacer ce corps souple et tiède, de l’emporter dans ses bras, très longtemps et très loin, jusqu’au fond des bois où ils finissaient par rouler parmi les fougères et les mousses. Gérard chatouillait Tiennet en promenant ses lèvres sur sa peau rose. Et l’enfant riait, essayait de se dérober, ruait de ses petons et allongeait des tapes sur les flancs robustes du grand qui acceptait des coups pour des caresses…

Cette idylle dura jusqu’au jour où les parents de Tiennet reçurent la visite de deux cousins accompagnés de Wanna, une fillette blonde, de l’âge de Tiennet, guillerette et piquante comme une aube de claire gelée, appétissante comme une fraise des bois. Les vieux, de part et d’autre, convinrent de marier les enfants qui s’étaient plu d’emblée.

Dès l’arrivée de la petite Wanna, le grand Gérard était devenu tout triste à cause de l’attention que son petit Tiennet témoignait à sa gentille cousine. Tiennet, enfant gâté, n’aimait Gérard que comme il eût aimé un chien fidèle et docile, complaisant partenaire de ses jeux, prêt à passer par