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ESCAL-VIGOR

d’un homme exécré, forcée de flatter sa rancune contre le Dykgrave ; d’autre part, obligée d’assister à l’intimité, à la communion étroite de Kehlmark et du jeune Govaertz.

Atroces tiraillements ! Certains jours, la nature et l’instinct reprenaient leurs droits. Elle était sur le point de dénoncer le domestique à son maître, mais Landrillon, chassé, se fût vengé de Kehlmark en révélant ce qu’il appelait ses turpitudes. D’autres fois, Blandine à bout de forces, placée dans cette crispante alternative de se livrer à Landrillon ou de perdre Kehlmark, était résolue à fuir, à abandonner la partie ; elle aspirait même à la mort, songeait à se jeter dans la mer ; mais son amour pour le comte l’empêchait de mettre ce projet à exécution. Elle ne pouvait l’abandonner aux embûches de ses ennemis ; elle tenait à le protéger, à lui servir d’égide contre lui-même.

Comme elle devait se faire une violence terrible pour ne pas montrer trop de froideur au jeune Govaertz, elle évitait de se trouver sur son passage et s’abstenait autant que possible de venir à table. Elle mettait ces éclipses sur le compte de la migraine.