Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
ESCAL-VIGOR

Cependant ma vie extérieure continuait à être une contrainte, une dissimulation perpétuelle. J’atteignis, au prix d’une discipline impie, à la maîtrise du mensonge. Mais ma nature droite et probe ne cessait de se soulever contre cette imposture. Représente-toi, ma pauvre amie, l’antagonisme atroce entre mon caractère ouvert et expansif, et ce masque dénaturant et calomniant mes impulsions et mes affinités ! Ah, je puis bien te l’avouer à présent, plus d’une fois, mon indifférence charnelle pour la femme menaça de tourner en une véritable haine. Et toi-même, ma Blandine, tu faillis m’exaspérer contre ton sexe tout entier, toi, la meilleure des femmes ! Le jour où tu te flattas de me séparer de Guidon Govaertz, je sentis ma piété presque filiale pour toi se transformer en une complète exécration. Dans ces conditions, tu comprendras que souvent, refoulé et isolé, virtuellement anathème, je pensai perdre la raison !

Plus d’une fois, je roulai sur la pente des aberrations. Puisqu’on me taxe de monstruosité, me disais-je, puisque je suis déchu, socialement réprouvé, autant jouir du bénéfice de mon ignominie.

Les forfaits sadiques d’un Gilles de Rais ten-