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ESCAL-VIGOR

nettes dans les flaques et elle se délecte comme autrefois à l’incomparable arôme des brûlis d’essarts, que la brise porte à des lieues ! Bivacs du berger accusant, au crépuscule, leurs spirales de fumée et, à la nuit, leurs pâles flammes éparses ! Âme de la plaine infinie ! Parfum sauvage, avant-coureur de la région, que n’oubliera jamais plus quiconque l’a respiré.

C’est de cette poésie un peu farouche et triste, mais cordiale et énergique, inspiratrice des devoirs, et même des sacrifices, voire des héroïsmes anonymes, que s’était imprégnée Blandine, alors une petite paysanne laborieuse, mais qui trouvait le temps de rêver et d’admirer, malgré les durs et constants labeurs auxquels sa marâtre l’attelait.

Il y avait surtout une époque climatérique qui induisait en nostalgie rétrospective la pseudo-châtelaine de l’Escal-Vigor : c’était aux approches du vingt-neuf juin, jour des SS. Pierre et Paul, le moment où les contrats entre maîtres et valets sont abrogés.

Ces mutations de domestiques servent chaque année de prétexte à une fête dont Blandine se souvient avec une voluptueuse et lénitive mélancolie. À Smaragdis, il lui suffit de l’odeur des seringas